26 novembre 2006

Le livre dans l'ancienne France


A l'origine, le livre est un objet rare et manuscrit, la société étant surtout dominé par la culture orale. Avec l'apparition de l'imprimerie, la culture écrite prend de l'importance.

Quel est l'impact de cette culture écrite sur la société?


I. La naissance d'une civilisation du livre.

A. L'essor matériel.

Les conditions matérielles ont prédisposé à la création de l'imprimerie. Gutenberg marque la naissance du livre. Avec lui, c'est la rencontre d'une encre suffisament grasse, d'un métal suffisament souple pour résister à la presse et la mise au point de la presse elle-même. La vallée du Rhin est le premier foyer de l'imprimerie.
Au XVème siècle, 3 000 livres sortent des presses, au XVIème siècle ce sont 60 000 livres, au XVIIème siècle, 200 000 livres et au XVIIIème siècle, 400 000 livres. Peu à peu, une codification se met en place:
  • lettre caroline pour l'écriture
  • mise en page aérée
  • code pour la ponctuation
  • page de garde hiérarchisée
Les titres imprimés évoluent également. Au début de la période, ce sont essentiellement des livres religieux qui sortent, puis il y a un recul et peu à peu, ils sont concurencés par différents secteurs: les oeuvres humanistes, les romans, les livres scientifiques.

B. Le monde du livre

Le monde du livre est composé des imprimeurs, des typographes, ... Le premier imprimeur est un allemand, Froben. Le modèle vient donc de l'étranger avant de se développer en France autour d'Estienne à Paris, de Griffe à Lyon, ... Le métier lui-même évolue: au départ les imprimeurs s'occupent aussi de la diffusion, puis progressivement il y a une spécialisation: on est libraire, imprimeur ou éditeur.
Les capitales de l'imprimerie en France sont Paris et Lyon puis quelques villes universitaires telles que Tours, Toulouse, Poitiers ou Bordeaux. Les ouvriers typographes, plus cultivés que la moyenne, sont aussi plus revendicatif et sont à l'origine de troubles sociaux et religieux.
Progressivement, le nombre d'imprimeurs augmente et parfois ils deviennent un recours pour des écrivains qui n'arrivent pas à percer comme Restif de la Bretonne. A partir de 1618, un statut de corporation est créé, la profession d'imprimeur est reconnu.

C. Un public potentiel de plus en plus vaste

Les livres se modifient progressivement, on passe de l'in-quarto à des modèles plus petits, notamment avec Alde Manuce qui produit des in-12 ou in-16. La diffusion d'almanach devient aussi de plus en plus importante, ce sont des livres simplement brochés qui sont populaire dès le XVIème siècle.
La bibliothèque bleue de Troyes permet une diffusion plus populaire. En parallèle, l'alphabétisation augmente. Les illustrations abondante favorisent un public moins alphabétisé. Les gravures se diffusent également autour d'artiste comme Dürer ou Lucas Peni. Les livres d'heure sont des petits ouvrages de prières qui se diffusent même dans les milieux les plus modestes.

II. La réception du livre

A. Evolution de la psychologie

La diffusion plus massive du livre transforme peu à peu la façon de lire: on passe d'une lecture à haute voix à une lecture muette. Comme dans le domaine de la foi, il y a une amplification du phénomène d'interiorisation.
Il y a aussi évolution de l'apprentissage et de la diffusion des connaissances. On peut avoir un apprentissage livresque et moins répétitif. Il y a une plus grande ouverture d'esprit puisque l'accès au savoir est plus important ce qui transforme le regard de la société sur le monde.

B. Des publics variés

Grâce à l'inventaire des bibliothèques des défunts, on peut définir le profil de différents types de lecteurs:
  • la bourgeoisie administrative liée au savoir dont les 2/3 disposent de livres: des livres de droit, des livres religieux, des livres d'histoire, ...
  • la bourgeoisie marchande dont 1/4 seulement dispose de livres: c'est une culture moins humaniste plus tourné vers les livres d'utilité ou d'évasion.
  • la haute noblesse de robe dispose des plus belles bibliothèques avec de grands ouvrages classiques tels que Montesquieu
  • la haute noblesse pour qui le livre est synonime de prestige et dont la bibliothèque est tourné vers des ouvrages d'apparat
  • les artisans et boutiquiers qui ne possèdent souvent q'un seul livre de piété
  • les paysans disposent rarement de livres
Au XVIIème siècle, les livres profanes se diffusent et les livres religieux connaissent un certain recul, surtout en ce qui concerne les Pères de l'Eglise. Il y a un élargissement de la demande.

C. La diffusion du livre

Le livre circule de mieux en mieux et atteint son apogée au XVIIIème siècle. Il circule grâce aux colporteurs, aux cabinets de lecture qui sont mis en place par les libraires avec une sorte d'abonnement, grâce aux bibliothèques publiques (18 bibliothèques ouvrent au public à Paris).
La plus grande bibliothèque à Paris est celle des Génovéfins au milieu du XVIIIème siècle, elle contient quelques 45 000 ouvrages.
Les pouvoirs publics facilitent l'ouverture des bibliothèques. Dans un tableau de Paris, Louis-Sébastien Mercier décrit des loueurs de livres qui les louent pour le tiers de leur prix.


III. Le livre: un enjeu A. Dans les luttes religieuses

Le livre a permis la diffusion des thèses de Luther dès 1520 en France. Les catholiques utilisent aussi les livres qui deviennent la base de la controverse entre les deux camps.
On constate un intérêt constant pour les thèmes religieux: les livres de piété sont toujours très diffusés. Les Jésuites disposent d'une imprimerie à Trévoux pour diffuser leurs ouvrages.
Durant les Lumières, les livres deviennent à nouveau la base de a controverse entre les catholiques et les philosophes.

B. Les enjeux politiques

La monarchie n'a eu de cesse de contrôler les livres. Elle a voulu à la fois contrôler les imprimeurs et les livres. François 1er est par exemple le seul contrôle de l'université de Paris. Les imprmeurs sont tenus de prêter un serment au recteur.
Le roi intervient en 1535 pour interdire la publication de tout livre à Paris pour quelques jours à la suite de l'affaire des placards. Entre 1539 et 1541, le roi définit des conditions de publication, d'abord pour Paris et à Lyon, puis sa difusion est élargie. Charles IX, en 1571, instaure un système où les imprimeurs doivent désigner des élus qui les représentent dans chaque ville de France. Ils sont tenus de n'imprimer aucun livre hérétique. Le procureur-syndic est créé. Louis XIII, en 1618, organise les imprimeurs en corporation.
On trouve aussi une volonté de contrôler les productions. En 1539, François Ier instaure un dépôt légal mais il fonctionne peu et uniquement pour les petits ouvrages. En 1566, Charles IX instaure une autorisation préalable à toute nouvelle publication d'ouvrage. Cette autorisation est délivrée par une lettre de privilège, en même temps qu'un monopole. C'est le chancelier qui est chargé de tout ce qui touche au livre mais la censure est peu utilisée. Les protestations contre les livres viennent plutôt de l'extérieur, notamment du pape contre les ouvrages gallicans publiés en France. En 1617, Louis XIII publie un édit qui subordonne le privilège si l'éditeur donne deux ouvrages au roi. Louis XIV impose que les livres soient lu par les censeurs avant qu'ils soient imprimés. Les livres ne sont donc imprimés qu'après une correction. A partir de 1701, le directeur de la librairie est placé sous l'autorité du chancelier. Au XVIIIème siècle, un privilège tacite est instauré, le roi laisse se diffuser des ouvrages qui ne sont pas cautionné par la monarchie mais qui sont tolérés, puisqu'au final les livres interdit sont imprimés hors des frontières et entre tout de même en France. Les ouvrages clandestins se diffusent très bien. La censure elle-même s'affaiblit après 1750.

C. La naissance d'une opinion public

La diffusion du livre permet un débat public à partir de joutes oratoires ou livresques. Progressivement, la monarchie doit prendre en compte cet opinion public, elle a un rôle d'éducateur de l'opinion public.
Les écrivains obtiennent petit à petit un statut, qui se forge en 1778: on lui accorde des droits d'auteur. C'est notamment l'oeuvre de Beaumarchais. Donc à terme, le livre créé l'écrivain.


La fin de la période est marquée par une certaine sacralité du livre.

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